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I want to make you feel it
20 avril 2009

Et ce soir-là

Je l'entendais tousser de l'autre côté de la porte, elle toussait d'une toux très sèche et à chaque aspiration de sa fumée, elle crachait tout ce qu'elle avait. Et c'était sec, rude et long et à chaque toussée, je l'imaginais s'enfoncer dans le fond du canapé entre les coussins. J'avais cette vision de sa tête rentrant dans son corps; vous savez comme Raspoutine dans Anastasia, où il se retrouve tellement désemparé de la situation qu'il ne sait où aller; et finalement, il se préfère se recrovillier sur lui-même, ou plutôt dans lui-même, dans son être sale et lugubre, vert caca d'oie.

Et ce matin encore, je la trouvais belle, ma mère.
Mais si elle peut m'paraître rayonnante durant un instant; le reste des jours ce n'est qu'une dame qui perd peu à peu le goût à la vie. Elle aime passer ses week-end devant la télé, elle préfère même zapper toute la journée que de sortir. Rester seule le soir, accompagnée de son verre de rhum, toujours devant cet imposant poste noir ou bien s'amuser à faire tourner la molette de son briquet jusqu'à en finir son paquet quotidien de cigarette, elle me paraît tout de suite moins colorée, et un peu plus grise. J'ai l'impression de voir ce petit bout de femme s'éteindre. Comme si je pouvais voir son énergie se consummer petit à petit sans vraiment rien faire; parce que ce n'est pas de moi qu'elle a besoin, ma mère.
Elle vient enfin de franchir la frontière entre sa nouvelle vie et son passé. Elle porte sur son visage les cicatrices internes de ce douloureux voyage et même si il n'y a que moi pour les deviner, ses yeux sont marqués par deux grosses cernes.
Elle est fatiguée ma mère. Fatiguée de cinq années folles où elle s'est acharnée à aimer un homme pour se sauver d'elle-même, pour me sauver aussi.
Elle est fatiguée, ça se voit et je ne peux pas l'aider. Elle n'en peux plus de la vie et se conforte dans son concon quotidien, elle s'enferme aussi vite qu'elle le pourra pour oublier qu'elle finira ses jours seule. Le grand Amour avec un A, elle ne l'a pas trouver et s'estime trop vieille pour le trouver.

Pourtant, elle n'a pas l'air de perdre confiance en elle. Elle s'envole vers les années de la quarantaine accompagnée d'un amant; oui amant et tous les autres garderont ce titre; tous les hommes de ma mère ne seront que des amants à mes yeux. L'homme de sa vie, c'était lui.
Elle a l'air d'être sûre d'elle; elle sait qu'elle plait, que ses forment plaisent; d'ailleurs elle met du mascara sur ses grands yeux marrons et des jupes noires courtes qui épousent au mieux les courbes de ses hanches.
Parfois même, elle m'a l'air mesquine, sachant exactement ce qu'elle fait; elle aime jouir des hommes et un de ses plus grands fantasmes est la soumission. Ces amants sont tous plus grands et baraqués. Elle a toujours aimé se sentir protégée.

Ma mère, c'est un grand paradoxe. Une femme à double facette, mais ça, il n'y a que moi pour le voir; malgré elle.
Elle aurait bien aimé que je ne vois que son côté maman; celle justement qui se ternit un peu et que je ne vois pas ce jeu de femme justement. Son jeu dont j'ai du mal à comprendre tant je le trouve étrange.
Ma mère porte sur son dos son passé difficile; elle a vécu, comme on pourrait dire, mutilée de sa propre guerre elle aurait du en sortir plus forte, plus dure. Pourtant elle n'est qu'une brindille qui se tord dans tous les sens dès qu'on souffle un peu trop fort dessus. Mais elle se veut  plus forte et veut se donner la propre illusion qu'elle sait ce qu'elle fait. Alors elle mène sa vie tranquille de femme.

Et bien qu'elle aurait du être mon modèle vivant, jamais je ne souhaite lui ressembler. Jamais je ne voudrais finir assise dans mon fauteuil, mon verre de rhum caché à mes pieds pour ne pas que mes enfants me voient; à tousser et à m'enfoncer dans ce fauteuil que je n'aime même pas.
Jamais je ne voudrais finir devant ma télé à faire du zapping, parce que j'ai besoin de reposer.

Parce que ma mère, elle est épuisée. Et tout ce qu'elle a besoin, c'est d'une épaule sur laquelle s'appuyer
.

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